IATROGÈNE (PATHOLOGIE)

IATROGÈNE (PATHOLOGIE)
IATROGÈNE (PATHOLOGIE)

IATROGÈNE PATHOLOGIE

Ce sont les états pathologiques liés à l’administration de médicaments. Le terme médicament doit être compris dans son sens large de «toute substance administrée à l’homme pour le diagnostic, la prévention, le traitement d’une maladie ou pour la modification d’une fonction physiologique». Ils surviennent, au sens strict du terme maladie iatrogène, quand le médicament est donné dans la bonne indication, à la bonne posologie, et qu’il a été correctement pris par le malade, c’est-à-dire en dehors de toute erreur thérapeutique. Cela souligne le caractère inévitablement agressif à des degrés divers de la plupart des médicaments. On estime que 20 p. 100 des individus qui prennent des médicaments présentent des effets indésirables, les plus fréquents étant d’ordre digestif et cutané. Les réactions toxiques dues à une posologie excessive (hémorragie par surdosage en anticoagulants par exemple) peuvent être la cause d’effets indésirables mais peuvent aisément être différenciés des autres réactions indésirables. Les états pathologiques iatrogènes sont regroupés en plusieurs catégories. S’ils sont dus au médicament lui-même: sa structure chimique, ses propriétés pharmacologiques et antigéniques, on les appelle effets indésirables ; ils relèvent soit d’un mécanisme de toxicité directe du médicament contre un ou plusieurs organes, soit d’un mécanisme immunoallergique, et leur toxicité passe alors par l’intervention du système immunitaire du sujet. L’idiosyncrasie désigne les réponses pathologiques paradoxales d’un patient après l’administration d’un médicament comparées à la tolérance habituellement constatée dans l’ensemble de la population traitée. Les médicaments responsables d’anomalies chez les enfants de patients traités sont appelés tératogènes ou mutagènes . La responsabilité d’un ou de plusieurs médicaments n’est pas toujours aisée à établir, et des méthodes d’investigation cliniques, techniques, épidémiologiques qui permettent une appréciation sont le fait de la pharmacovigilance.

Les manifestations dues aux médicaments ressemblent à celles qui sont associées à d’autres maladies. À partir du moment où la réaction indésirable est suspectée, l’interruption du traitement est habituellement suivie par la disparition des troubles, et la réadministration du médicament entraîne la même réaction. Cette réinduction n’est, la plupart du temps, pas justifiée pour avoir la certitude de la relation causale avec le médicament, elle peut même s’avérer dangereuse pour le patient. Si le médicament est éliminé lentement par l’organisme, la réaction peut persister, mais, s’il est éliminé rapidement, la réaction peut disparaître de même. Ainsi, la fièvre due aux antibiotiques disparaît habituellement en vingt-quatre à quarante-huit heures; par contre, certaines éruptions cutanées peuvent durer plus longtemps.

Les facteurs de risque , au nombre de quatre, s’intriquent différemment selon les cas. Ce sont les risques liés au médicament, à l’individu, à l’état pathologique qui a motivé la prescription, à des facteurs extérieurs.

Un médicament peut posséder une toxicité propre sur un ou plusieurs organes par un mécanisme directement lié à sa structure moléculaire et à ses propriétés pharmacologiques. La toxicité directe, ce sont, par exemple, les ulcères digestifs provoqués par l’acide acétylsalicylique qui lèse la barrière épithéliale muqueuse, permettant la rétrodiffusion des ions hydrogène avec dégradation consécutive du tissu sous-jacent. La phénylbutazone, l’indométhacine, le cinchophène, l’acétophénétidine, la colchicine, les corticostéroïdes ont également un effet agressif sur le système digestif. C’est aussi l’exemple des aminosides néphrotoxiques et ototoxiques, des antibiotiques et des antiparasitaires hématotoxiques, des œstrogènes hépatotoxiques, etc. Il existe, par ailleurs, un ensemble de symptômes: nausées, vomissements, diarrhées qui peuvent être secondaires à une toxicité réelle d’un médicament, mais qui, assez souvent, caractérisent un effet indésirable particulier appelé «effet nocebo» qui correspond au refus, conscient ou non, du patient d’accepter son traitement. Dans ce cas, pour peu que le médecin et/ou l’entourage arrivent à influencer le patient, ces réactions disparaissent avec la poursuite du traitement. Dans les cas de toxicité liée à la structure chimique et aux propriétés pharmacologiques du médicament, il existe en général — mais pas toujours — un schéma de posologie et de surveillance biologique et clinique qui doit permettre, s’il est correctement appliqué à la fois par le médecin et par le malade, soit d’éviter la survenue de tout accident, soit de limiter à des effets très tolérables l’apparition d’une pathologie iatrogène.

Dans d’autres cas, les manifestations constatées traduisent une réaction immunoallergique , c’est-à-dire que le médicament n’est plus toxique par un effet directement lié à sa structure chimique et/ou à ses propriétés pharmacologiques, mais parce qu’il est perçu par l’organisme comme une substance étrangère contre laquelle il doit se défendre par le biais de son système immunitaire. Certains patients ont une prédisposition spéciale aux réactions allergiques; c’est chez eux qu’on trouvera ces accidents, alors que d’autres patients soumis aux mêmes traitements sauront tolérer la substance introduite dans leur organisme sans que se développe une réaction pathologique. Ces manifestations atteignent le plus souvent la peau (éruptions diverses, en général prurigineuses), les éléments figurés du sang et spécialement les érythrocytes dont la lyse massive, en cas de réaction anaphylactique, conduit à une anémie aiguë pouvant mettre en jeu la vie du malade, les reins, pouvant provoquer une insuffisance rénale, les vaisseaux (vascularites allergiques). La fièvre peut être une manifestation d’allergie médicamenteuse. Les sulfamides sont, à titre d’exemple parmi de nombreux autres, souvent la cause de réactions allergiques.

Les risques liés à l’individu dépendent du sexe, de l’âge, de certains caractères génétiques. Il semble ainsi que la fréquence et l’intensité des réactions pathologiques aux médicaments soient supérieures chez la femme, comparée à l’homme. Le risque tératogène lié à l’administration de médicaments pendant la grossesse grève cependant ces notions d’un biais non négligeable quant à l’interprétation qui en est faite. L’enfant et le vieillard sont particulièrement sensibles aux effets de certains médicaments qui deviennent toxiques si les doses ne sont pas diminuées. Cela s’explique par des considérations métaboliques et pharmacocinétiques: diminution de la capacité de métaboliser les médicaments, diminution de l’excrétion rénale, existence d’un certain degré d’insuffisance respiratoire, modification du volume de distribution des médicaments dans l’organisme. La génétique, enfin, rend parfois compte des effets indésirables d’un médicament. Ainsi l’isoniazide, antituberculeux majeur, voit sa demi-vie d’élimination varier en fonction de la capacité du patient à l’inactiver par acétylation. Certains individus sont des acétyleurs rapides, d’autres des acétyleurs lents, et une même dose sera plus vite inefficace chez les seconds que chez les premiers par risque d’accumulation avec la répétition des doses. Les patients atteints de déficit en glucose-6-phosphate déshydrogénase (G-6-PD) des érythrocytes peuvent développer une anémie hémolytique aiguë lorsqu’ils sont traités par les sulfamides, les nitrofurantoïnes, le probénécide, les aminoquinoléines, le tolbutamide. La présence de pseudocholinestérase sérique anormale peut développer une apnée en cas de traitement par la succinylcholine.

Les risques liés à l’état pathologique présent ou à des séquelles d’atteintes antérieures doivent être soigneusement pesés en fonction des constantes métaboliques et cinétiques des médicaments dont l’usage peut être utile pour le traitement. Les atteintes hépatiques, rénales doivent faire déconseiller l’emploi de médicaments principalement métabolisés ou éliminés par ces voies et, a fortiori, les médicaments qui possèdent une toxicité directe au niveau de ces organes. Par ailleurs, certains traitements symptomatiques peuvent dissimuler des états pathologiques qui se développent alors dangereusement à bas bruit. Il en est ainsi de traitement antibiotiques qui servent de couverture à des abcès pulmonaires, à des complications post-opératoires diverses de traitements antalgiques, sédatifs qui, en supprimant la douleur, rendent difficile voire impossible le diagnostic étiologique.

Quant aux risques que peuvent constituer les facteurs extérieurs au sujet et au médicament eux-mêmes, ils sont nombreux, et il est souvent difficile d’évaluer leur responsabilité dans la constitution d’une pathologie iatrogène. Ce peuvent être l’alcool, le tabac qui interfèrent avec le métabolisme des médicaments, en particulier celui de certains psychotropes, l’environnement professionnel, par exemple certains polluants modifiant considérablement l’activité d’enzymes responsables des biotransformations des médicaments.

Les mécanismes en cause . Un médicament peut provoquer la mort des cellules avec lesquelles il entre en contact en interférant avec un ou plusieurs stades de son développement. Il peut être ainsi directement toxique pour un tissu donné après sa liaison aux protéines de ce tissu et avant de subir quelque transformation métabolique que ce soit. D’autres au contraire, atoxiques lors de leur administration, peuvent subir des biotransformations qui aboutissent à la formation de métabolites toxiques. Dans les deux cas, le médicament peut ainsi être responsable de fœtotoxicité, de nécrose hépatique, pulmonaire, rénale, de carcinogenèse, de mutagenèse, etc. La phototoxicité est un cas particulier de ce mécanisme puisque le médicament initial fixé au niveau de la peau ne devient toxique que parce qu’il subit une modification structurale sous l’effet des rayons ultraviolets. Certains médicaments peuvent soit interférer avec les enzymes nécessaires au bon développement des processus métaboliques en inhibant leur activité ou en la stimulant, soit interférer avec des constantes biologiques induisant par exemple des hyper ou des hypokaliémies, des hyper ou des hypoglycémies, ou encore nécessiter l’apport concomitant de vitamines sous peine de déclencher le syndrome d’avitaminose correspondant. Certains médicaments sont capables de provoquer la libération de substances stockées «au repos» dans des cellules: histamine, sérotonine, héparine qui, libérées dans le flux sanguin, entraînent des réactions essentiellement vasomotrices. Ces réactions non spécifiques ne doivent pas être confondues avec cet autre mécanisme de toxicité qu’est l’allergie, dans lequel les réactions sont dites spécifiques dans le mesure où elles ne sont pas en rapport avec un effet pharmacologique mais résultent d’une réponse immunitaire de l’organisme (fabricant d’anticorps) à l’introduction du médicament qui joue le rôle d’antigène après sa fixation aux protéines de l’organisme. Les thésaurismoses sont un mécanisme de nocivité assez rarement rencontré: ce terme désigne la fixation privilégiée et prolongée de certains médicaments sur certains tissus qu’ils finissent par léser: peau, phanères, certaines structures de l’œil, os, dents paraissent le plus souvent en cause.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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